Puisc'est allĂ© de plus en plus mal, ce sont ses voisins qui l'on remarquĂ©, on l'a tout de suite prise en charge et ma mĂšre s'est occupĂ©e d'elle jusqu'au bout. Il a d'abord Ă©tait question des papiers, et lĂ on s'est rendu compte que ça faisait 6 mois qu'elle aurait du aller chercher sa nouvelle carte d'identitĂ© Ă la prĂ©fecture.LâespĂ©rance de vie sâallonge. Chance ou malĂ©diction ? Autrefois respectĂ©es, les personnes trĂšs ĂągĂ©es sont oubliĂ©es dans des lieux dĂ©volus Ă la fin de vie loin du regard dâune sociĂ©tĂ© vouĂ©e Ă la performance. La valeur de ces vies 'diminuĂ©es' est de plus en plus relativisĂ©e, et souvent intĂ©riorisĂ©e, entraĂźnant une perte de confiance en soi, voire des dĂ©pressions ou un phĂ©nomĂšne de glissement. Le docteur VĂ©ronique Lefebvre des NoĂ«ttes montre pourtant les solutions et la douceur de vieillir bien et nous fait entendre la voix et lâamour de la vie de nos aĂźnĂ©s oubliĂ©s. VĂ©ronique Lefebvre des NoĂ«ttes, psychiatre du sujet ĂągĂ©, accompagne au jour le jour les patients atteints dâAlzheimer du plus grand hĂŽpital de gĂ©riatrie de France. Elle est docteur en philosophie pratique et Ă©thique mĂ©dicale, ce qui la conduit Ă une double rĂ©flexion Ă©thique et philosophique, ancrĂ©e dans une longue expĂ©rience clinique de praticien hospitalier. Elle publie Vieillir nâest pas un crime ! Ed. du Rocher. ____________ VĂ©ronique Lefebvre des NoĂ«ttes dĂ©nonce lâambivalence de la sociĂ©tĂ©, Ă travers notre façon dâagir vis-Ă -vis de ces personnes ĂągĂ©es, parfois fragilisĂ©es ou dĂ©pendantes. La crise sanitaire a dĂ©montrĂ© Ă quel point nous nâagissons pas correctement envers elles. Pour les 'protĂ©ger', nous les avons mises au ban de la sociĂ©tĂ©, nous les avons surprotĂ©gĂ©es. "Ce que nous nâaimons pas chez les grands aĂźnĂ©s, les grands ĂągĂ©s, câest la dĂ©pendance, parce quâon ne se projette absolument pas dans 'un vieux gĂąteux'. Mais on aimerait bien se projeter dans un vieux sage, comme Edgard Morin par exemple. La vieillesse nous signifie notre finitude, la fin de la vie, quâon espĂšre le plus tard possible, parce quâon nâa pas encore trouvĂ© mieux que de vieillir, pour vivre." PandĂ©mie se protĂ©ger mais pas surprotĂ©ger les aĂźnĂ©sVĂ©ronique Lefebvre des NoĂ«ttes a commencĂ© Ă Ă©crire ce livre avant la pandĂ©mie, qui a fait des ravages parmi les personnes ĂągĂ©es, partout dans le monde. "Dans les hĂŽpitaux, dans les Ehpad, mĂȘme au domicile, on ne sait toujours pas les comptabiliser. Je connais mĂȘme des personnes ĂągĂ©es qui ne se sont toujours pas dĂ©confinĂ©es, depuis mars 2020 !" La premiĂšre vague du Covid-19 a Ă©tĂ© relativement dĂ©plorable peurs croisĂ©es, pĂ©nurie de masques, dâĂ©quipement de protection. On a fini par contentionner les personnes ĂągĂ©es dans leur chambre et elles se sont laissĂ©es mourir de chagrin, explique-t-elle. On a essayĂ© dâamĂ©liorer les choses lors des deux vagues suivantes, dâabord en protĂ©geant le personnel. On est toujours sur la crĂȘte du juste Ă©quilibre, câest-Ă -dire rester en relation, mais en se protĂ©geant. Se protĂ©ger, mais pas isoler, pas surprotĂ©ger, pas contentionner, pas priver de libertĂ© ces personnes trĂšs dĂ©pendantes. La maltraitance ordinairePour les personnes ĂągĂ©es, lâatteinte Ă la libertĂ© est dâailleurs une rĂ©alitĂ© en dehors de la crise du Covid. On est souvent Ă la limite de la maltraitance. Dans son livre, le docteur VĂ©ronique Lefebvre des NoĂ«ttes montre la nĂ©cessitĂ© des formations et dĂ©crypte bien tout ce qui peut faire basculer dans la maltraitance ordinaire, la maltraitance du quotidien, qui se passe le plus souvent dâailleurs au domicile. "Et pas tellement dans les institutions gĂ©riatriques qui sont Ă©videmment bienveillantes ; ce nâest jamais une maltraitance qui est volontaire. Elle se passe plutĂŽt par nĂ©gligence. On nâentend plus ce cri dâalerte, on ne voit plus la personne qui se plaint ou qui est complĂštement isolĂ©e. On ne fait plus attention." Un MeToo pour personnes ĂągĂ©es ?Dans certaines institutions gĂ©riatriques, les personnes Ăąges subissent de la maltraitance, du manque dâamour, de lâinfantilisation. Elles nâosent pas parler par peur de reprĂ©sailles. De lâautre cĂŽtĂ©, le personnel soignant est Ă bout et ne se rend parfois mĂȘme plus compte du ton employĂ©. Que mettre en place pour changer cette situation ? VĂ©ronique Lefebvre des NoĂ«ttes plaide pour une Grey Pride ĂȘtre fier dâavoir les cheveux gris. Un chapitre de son livre sâintitule dâailleurs Old Lives Matter, "car ces personnes sont importantes, elles nous tiennent Ă coeur". Elle plaide pour 'un amour agapĂ©', un amour qui donne sans attendre de retour. Il faut absolument cesser de mettre les personnes ĂągĂ©es dans des maisons de retraite alors quâelles nâen ont pas envie, sâindigne-t-elle. 90% dâentre elles ne veulent pas aller dans ces lieux, quâelles estiment ĂȘtre des lieux de relĂ©gation, oĂč il y a beaucoup trop de personnes ĂągĂ©es, avec du personnel qui tourne, insuffisamment formĂ©, qui est en grande souffrance lui-mĂȘme. "Ce quâil faut, câest du personnel qualifiĂ©, appĂ©tent et compĂ©tent. Un ratio de personnel suffisant. Ne pas numĂ©riser la prise en charge. Ne pas ĂȘtre tout le temps sur le chronomĂštre. Il faut privilĂ©gier la qualitĂ© du soin au tout quantitatif et revoir nos modĂšles de financement. PrivilĂ©gier les petites structures, avec du personnel appĂ©tent et compĂ©tent. OĂč la famille, les proches vont avoir un lieu de co-thĂ©rapeutes, vont ĂȘtre les bienvenus et pas vus comme des personnes qui vont avoir un regard sur des pratiques dont on nâest pas toujours trĂšs fier." Vieillir comme le bon vinVĂ©ronique Lefebvre des NoĂ«ttes retourne lâinjonction au bien vieillir en disant il faut quâon vieillisse bien. Comme du bon vin. "Il y a des qualitĂ©s Ă vieillir bien, et ce nâest pas trĂšs compliquĂ©." Un cerveau sain dans un corps sain. Ce nâest pas trĂšs compliquĂ©, Ă tout Ăąge, de commencer Ă marcher. Une demi-heure de marche par jour va faire reculer la maladie dâAlzheimer de 30%, va oxygĂ©ner le cerveau, va faire quâon aura moins dâostĂ©oporose, de douleurs articulaires. Ce nâest pas trĂšs compliquĂ© non plus de bien manger. Si on a un peu de pathologies, dâhypertension artĂ©rielle, de diabĂšte, de cholestĂ©rol, ce nâest un drame, on se fait suivre. "Il faut cesser de diaboliser la vieillesse avec handicap et changer son Ă©tat dâesprit. Aimer sortir, aimer se retrouver, garder du lien social, lutter contre une dĂ©pression qui pourrait arriver et contre cet isolement-lĂ . Pour les grands aĂźnĂ©s, accepter de compenser les dĂ©ficits sensoriels liĂ©s Ă lâĂąge se mettre des belles lunettes, se faire appareiller assez tĂŽt. Parce que cela participe dâune meilleure intĂ©gration Ă la vie sociale." Accepter la nouvelle donneOn nous fait beaucoup rĂȘver Ă travers lâindustrie du mĂ©dicament, qui promet mille et un miracles, Ă travers aussi les promesses utopiques du transhumanisme. Câest dramatique de promettre des choses quâon ne pourra pas tenir, sâinsurge VĂ©ronique Lefebvre des NoĂ«ttes. "Vieillir, câest un processus, ce nâest pas un Ă©tat. Câest une dynamique. Il y a des moments de la journĂ©e oĂč on se sent trĂšs vieux, dâautres oĂč on se sent une pĂȘche dâenfer. Il y a la singularitĂ©, la personnalisation de la personne, dans un processus de vieillissement qui est dynamique et qui va se dĂ©rouler sur plusieurs annĂ©es. Faire en sorte de sâĂ©couter, dâaccepter la nouvelle donne, Ă son rythme, ne pas croire aux promesses utopiques qui vont surtout vider votre portemonnaie et Ă dĂ©faut vous donner malheureusement des effets secondaires dus aux mĂ©dicaments qui ne vous apporteront rien." Garder la curiositĂ© du mondeChez les personnes qui vivent bien et sereinement leur vieillesse, VĂ©ronique Lefebvre des NoĂ«ttes note cette curiositĂ© du monde lâamour de la vie, lâĂ©merveillement devant un nuage qui a une drĂŽle de forme, devant une nouvelle musique, ce sentiment de familiaritĂ©, de reconnaissance humaine. "On fait partie du mĂȘme toit du monde. On revient Ă ce concept de maison, qui est trĂšs important pour moi. Dâaccueil et dâaccueillir cette parole, qui parfois est dĂ©faillante, mais qui montre quâelles ont envie de vivre. Donc cette volontĂ© de vivre, cet Ă©lan vital, cet amour de la vie, cette curiositĂ©. Et ne pas se laisser happer par la mĂ©lancolie, par le dĂ©sespoir, par lâennui." Il faut essayer aussi de donner les conditions de possibilitĂ© Ă chacun de sâexprimer, en fonction de ses moyens et de ses troubles cognitifs. "Mais je ne veux pas du tout quâon assimile la vieillesse aux troubles cognitifs. Non, les troubles cognitifs, câest une maladie Ă part et la plupart des gens, 85% des gens, vieillissent bien sans troubles cognitifs et sans grande dĂ©pendance." Ceux qui refusent de vieillirCeux qui refusent de se voir vieillir sont entendables. "Je ne vais pas les culpabiliser encore plus. Si une femme se sent trĂšs bien totalement botoxĂ©e du visage, mais avec un corps qui dit son Ăąge, et quâelle se sent bien comme ça, eh bien, câest trĂšs bien. Il nây a pas de moralisme. Il faut accepter chacun Ă son rythme, recommande VĂ©ronique Lefebvre des NoĂ«ttes. Je comprends trĂšs bien quâil y a des gens qui refusent absolument de vieillir pour reculer cette Ă©chĂ©ance, qui arrivera un jour ou lâautre. Si elles sont bien comme ça, quâelles continuent Ă faire ce quâelles veulent. Mais quand il y a une douleur, une souffrance psychique, dans ce hiatus de lâimage quâelles reprĂ©sentent et ce quâelles vivent Ă lâintĂ©rieur dâelles-mĂȘmes, lĂ il peut y avoir une demande, qui sâadresse Ă moi et que je vais traiter." Lâhabitat intergĂ©nĂ©rationnel, lâalternative aux maisons de retraiteNâoublions pas que les aĂźnĂ©s restent des citoyens jusquâau bout. Ils ont le droit de voter, dâexister, dâĂȘtre dans le tissu social, rappelle le docteur VĂ©ronique Lefebvre des NoĂ«ttes. Ce que souvent, on leur refuse, puisquâon leur impose des choix de vie, des lieux de vie, une espĂšce de relĂ©gation quâils nâont pas choisie. Les habitats adaptĂ©s aux multi-gĂ©nĂ©rations, ou les habitats kangourous, existent peu en Belgique ou en France. "Cela sâexplique culturellement, par le regard sociĂ©tal, cet espace de clivage que lâon voit depuis les 30 glorieuses on ne veut pas ĂȘtre vieux. Aujourdâhui, câest la famille nuclĂ©aire, chacun pour soi, le consumĂ©risme, les baby ou les papy boomers." Pourtant, ces petites structures dâhabitat collectif partagĂ©, intergĂ©nĂ©rationnel, sont lâavenir, estime-t-elle. Avec des jeunes Ă©tudiants par exemple, qui pourraient partager les grands appartements parisiens de personnes trĂšs ĂągĂ©es, pour un loyer modĂ©rĂ©, moyennant les courses ou les repas. Câest trĂšs important, ces petites structures de vie. Pas des petites structures de mort, de relĂ©gation et dâisolement. Changer lâacronyme français EhpadEn France, câest le nom des Ehpad Ă©tablissement dâhĂ©bergement pour personnes ĂągĂ©es dĂ©pendantes quâil faudrait dĂ©jĂ changer, pour pouvoir changer les mentalitĂ©s ! Il ne faut pas les voir comme un hĂ©bergement, mais comme un vĂ©ritable lieu dâaccueil et comme une maison. "Le concept de maison est trĂšs important. Dâailleurs, je prĂ©fĂšre ce que vous appelez les maisons de repos. DĂ©jĂ dans le mot 'maison de retraite', on est 'en retrait de'. Je prĂ©fĂ©rerais des maisons dâaccueil ou des rĂ©sidences pour les personnes ĂągĂ©es. 'Dâaccueil' du grand Ăąge, pas de placement, pas de relĂ©gation. Lâacronyme français Ehpad est redoutable. E, câest un Ă©tablissement, câest neutre. H, hĂ©bergement, ça ne dit pas la vĂ©ritĂ©, puisquâon est hĂ©bergĂ© dans un gĂźte ou Ă titre temporaire, dans un hĂŽtel ou chez des amis. Et puis le D de dĂ©pendance. On ne peut pas ne pas dĂ©pendre dâautrui, depuis la naissance jusquâĂ la mort. Donc, ce nâest pas une disposition globale. Je peux dĂ©pendre pour faire mes courses, mais pas du tout pour rĂ©flĂ©chir, choisir mon lieu de vie ou lire." Accepter la volontĂ© de mourirLa volontĂ© de mourir, nous lâacceptons, ça sâappelle le syndrome du glissement, que lâon a vu exploser lors de la Covid, lorsque les personnes Ă©taient privĂ©es de toute relation, de tout contact humain. Mon traitement ne sâarrĂȘte pas aux mĂ©dicaments ou aux perfusions, il va y avoir de la prĂ©sence humaine, du nursing, de lâaccompagnement, explique le docteur VĂ©ronique Lefebvre des NoĂ«ttes. "Bien entendu, quand il nây a plus rien Ă faire, il est hors de question dâavoir un acharnement thĂ©rapeutique. Nous accompagnons les personnes ĂągĂ©es qui se laissent mourir vers la fin, quand elles ne rĂ©agissent pas bien Ă nos traitements proposĂ©s." La mort fait peur, on a peur de mal mourir comme on a peur de mal vieillir. On refuse de voir la mort, car on est dans la sociĂ©tĂ© du divertissement, on se divertit pour ne pas voir ce qui nous attend. Mais je vois que jusquâau bout, les personnes ĂągĂ©es aiment la vie. Elles rĂ©clament la mort, et puis elles demandent encore un instant de vie, un sourire, des paroles signifiantes qui vont se dire, avec des mains qui se serrent jusquâau bout de la vie. Câest notre devoir dâĂȘtre humain de savoir accompagner jusquâau bout. PARTAGERSur le mĂȘme sujetArticles recommandĂ©s pour vous Lavocation premiĂšre de l'hĂŽpital est de prĂ©server la vie, mais c'est aussi d'accompagner le patient jusqu'au bout de la sienne. Aujourd'hui, prĂšs de 70% des Français vivent leur fin de vie Ă l'hĂŽpital, alors que jusqu'au milieu du siĂšcle dernier, la plupart des personnes dĂ©cĂ©daient chez eux, entourĂ©s de leurs proches. Les Ă©tablissements de santĂ© de plus de 200 lits sont tenus de Par Michel LaffarguePubliĂ© le 11/09/2015 Ă 15h25 Pour le Dr Valay, confiner les malades au lit revient Ă les condamner Ă mourir. MĂ©decin gĂ©nĂ©raliste nĂ©racais retraitĂ© depuis 1998, Edmond Valay est co-prĂ©sident du ComitĂ© dĂ©partemental des retraitĂ©s et personnes ĂągĂ©es Coderpa. Il est, par ailleurs, prĂ©sident fondateur de lâassociation GĂ©rontâAquitaine qui gĂšre un Ă©tablissement dâhĂ©bergement temporaire pour personnes ĂągĂ©es dĂ©pendantes et un centre de...MĂ©decin gĂ©nĂ©raliste nĂ©racais retraitĂ© depuis 1998, Edmond Valay est co-prĂ©sident du ComitĂ© dĂ©partemental des retraitĂ©s et personnes ĂągĂ©es Coderpa. Il est, par ailleurs, prĂ©sident fondateur de lâassociation GĂ©rontâAquitaine qui gĂšre un Ă©tablissement dâhĂ©bergement temporaire pour personnes ĂągĂ©es dĂ©pendantes et un centre de loisirs, rencontres et stimulations au chĂąteau du Saumont, propriĂ©tĂ© des Petits FrĂšres des pauvres. Son discours sur lâaccompagnement des personnes ĂągĂ©es et plus particuliĂšrement des malades dâAlzheimer se singularise dâune pensĂ©e dominante quâil nâhĂ©site pas Ă pourfendre pour mieux dĂ©fendre ses convictions. Ayant terminĂ© sa carriĂšre en tant que mĂ©decin rattachĂ© Ă lâhĂŽpital nĂ©racais, il raconte Jâai Ă©tĂ© profondĂ©ment marquĂ© par la situation faite Ă des grabataires souffrant dâĂ©normes escarres, couchĂ©s au fond de leur lit de long sĂ©jour. CâĂ©tait lâhorreur. La raison dâĂȘtre de lâhĂŽpital est de traiter des pathologies, mais pas de garder des vieux au lit parce que câest les envoyer directement au cimetiĂšre. »Aux termes de violence institutionnelle et maltraitance », il prĂ©fĂšre ceux de violence du non-faire, de la non-traitance ».Enfermement Au lieu de les condamner Ă vie dans leur lit en les assommant notamment de mĂ©dicaments, il faut les stimuler physiquement et intellectuellement en les faisant marcher, en les gardant debout, en leur proposant des jeux en insistant sur la notion de plaisir. Prendre dix mĂ©dicaments ou plus qui peuvent avoir des effets contraires nâa pas de sens. Heureusement, la machine humaine est extraordinaire », tĂ©moigne Edmond Valay. Contrairement Ă ce que lâon enseigne dans les Ă©coles de mĂ©decine oĂč on demande aux futurs praticiens de garder une distance avec les malades, de les traiter sans affectivitĂ©, les personnes ĂągĂ©es ont besoin quâon leur manifeste de lâaffection, de la tendresse, de lâamour, mĂȘme si le terme peut prĂȘter au ridicule. Le toucher reprĂ©sente un Ă©lĂ©ment fondamental pour Ă©tablir un lien, communiquer, les accompagner avec humanitĂ©, en respectant leur dignitĂ© ». Ce qui nâest pas le cas, selon lui, dans des Ă©tablissements spĂ©cialisĂ©s oĂč des vieux, dont des malades dâAlzheimer, se retrouvent prisonniers dans des couloirs aux portes fermĂ©es. Il dĂ©nonce lâenfermement dont sont victimes ces malades Alors que lâon a fermĂ© les lits Ă lâhĂŽpital psychiatrique de la CandĂ©lie, oĂč il fallait lâavis de deux mĂ©decins et du procureur de la RĂ©publique pour y ĂȘtre admis, on a multipliĂ© les lits dans ces structures. Il semble que la sociĂ©tĂ© fasse tout pour les garder en Ă©tat complet de dĂ©pendance. »Il inclut les services de soins Ă domicile en espĂ©rant ne pas entendre un jour MĂ©mĂ© reste assise, je fais tout pour toi. »
Confinementet maladie dâAlzheimer, la difficile Ă©quation. 9 avril 2020 15 fĂ©vrier 2021. Lâaide Ă domicile au temps du COVID . Lâaide Ă domicile au temps du COVID. 4 mars 2020 4 juin 2020. Vieillir et rester acteur de la sociĂ©tĂ©. 4 mars 2020 7 janvier 2021. CITOYEN JUSQUâAU BOUT DE LA VIE. Navigation des articles. Articles plus anciens. Abonnez-vous Ă
NĂ©es en 2016 de la volontĂ© de Blandine PrĂ©vost, malade jeune atteinte dâune maladie apparentĂ©e Ă la maladie dâAlzheimer Ă lâĂąge de 36 ans, et de son mari Xavier, les Maisons de Crolles IsĂšre, sont dĂ©diĂ©es aux malades jeunes. Leur accompagnement, inspirĂ© par lâapproche quĂ©bĂ©coise Carpe Diem de Nicole Poirier, considĂšre la personne avant sa maladie, avec ses capacitĂ©s plutĂŽt que ses dĂ©ficits. Blandine PrĂ©vost explique je ne voulais pas que les Maisons remĂ©morent tout le temps que nous sommes souffrants. Jâai envie de vivre jusquâau bout, avec et malgrĂ© la maladie. Ici, les habitants sont chez eux. Je ne voulais pas que mes enfants disent âOn va voir mamanâ, mais âOn va chez maman.â Les intervenants viennent travailler Ă domicile, chez nous. » Cet accompagnement spĂ©cifique exige la prĂ©sence dâune Ă©quipe pluridisciplinaire renforcĂ©e aides-soignants, auxiliaires de vie sociale, accompagnants Ă©ducatifs et sociaux, mĂ©decin coordonnateur, infirmiĂšresâŠ. Chaque jour, 10 intervenants travaillent par maison 5 le matin, 5 lâaprĂšs-midi, auxquels sâajoute un intervenant la nuit., pour un total de 50 Ă©quivalents temps plein. Le projet, expĂ©rimental jusquâen fĂ©vrier 2023, est co-financĂ© par lâagence rĂ©gionale de santĂ© ARS Auvergne-RhĂŽne-Alpes et du Conseil dĂ©partemental de lâIsĂšre, et co-pilotĂ© par la fondation Ove et lâassociation Ama Diem. A la diffĂ©rence du modĂšle quĂ©bĂ©cois, lâaccompagnement se prolonge jusquâĂ la fin de vie. Depuis lâouverture, six habitants sont dĂ©cĂ©dĂ©s. Au sein de lâĂ©tablissement, la mort nâest ni diabolisĂ©e, ni mĂ©dicalisĂ©e. Câest extrĂȘmement agrĂ©able pour nous, les infirmiĂšres. Nous nâavons pas lâimpression de nous acharner », assure Sandra Payerne, infirmiĂšre. Pour Anne-Lise Gardet, aide-soignante et aide mĂ©dico-psychologique, la dĂ©chĂ©ance est repoussĂ©e si les habitants Ă©taient entrĂ©s en EHPAD au lieu de venir aux Maisons de Crolles, il est certain quâune grande majoritĂ© dâentre eux seraient dĂ©jĂ morts. Vivre en communautĂ©, se sentir appartenir Ă un groupe, les rattache Ă la vie. » Les Maisons de Crolles ont un statut de structure dâaccompagnement du handicap ses habitants bĂ©nĂ©ficient de la prestation de compensation du handicap PCH et non de lâallocation personnalisĂ©e dâautonomie APA. Elles accueillent 15 personnes en foyer dâaccueil mĂ©dicalisĂ© FAM, dont 3 en hĂ©bergement temporaire et 2 en accueil de jour et 15 autres en maison dâaccueil spĂ©cialisĂ©e MAS. ActualitĂ©s sociales hebdomadaires, 30 aoĂ»t 2021.Your access to this service has been limited. HTTP response code 503 If you think you have been blocked in error, contact the owner of this site for assistance. If you are a WordPress user with administrative privileges on this site, please enter your email address in the box below and click "Send". You will then receive an email that helps you regain access. Block Technical Data Block Reason Access from your area has been temporarily limited for security reasons. Time Wed, 17 Aug 2022 173211 GMT About Wordfence Wordfence is a security plugin installed on over 4 million WordPress sites. The owner of this site is using Wordfence to manage access to their site. You can also read the documentation to learn about Wordfence's blocking tools, or visit to learn more about Wordfence. Click here to learn more Documentation Generated by Wordfence at Wed, 17 Aug 2022 173211 computer's time .
Alzheimer jusqu'au bout la vie Type de fiche Film Type de film Documentaire Support de diffusion DVD RĂ©alisateur du film Laurence SERFATY Producteur Altomedia Date de publication 2005 DurĂ©e du film 52 min. Mots-clĂ©s PrismeSoinsRecherchePrise en chargeSantĂ© publique Les missions de soins du CNRMAJ se dĂ©clinent selon 4 axes AmĂ©liorer le diagnostic et raccourcir son dĂ©lai pour proposer dĂšs que possible traitements et prise en charge adaptĂ©s AmĂ©liorer le diagnostic gĂ©nĂ©tique dans les rares formes familiales AmĂ©liorer le suivi des patients jeunes en fonction de leurs besoins tout au long de leur maladie, faire connaitre les aides aux quelles les malades ont droit, offrir un soutien psychologique au malade et Ă son proche, aider Ă gĂ©rer les pĂ©riodes de crises, en particulier comportementales, aider Ă trouver un lieu dâhĂ©bergement si besoin, aider jusquâau bout de la vie, permettre un prĂ©lĂšvement cĂ©rĂ©bral en cas de dĂ©sir de la famille pour certitude diagnostique. Favoriser lâaccĂšs des malades jeunes Ă tous les protocoles cliniques et pharmacologiques. Ensemble, on est plus fort pour faire connaitre ses besoins Constitution dâune cohorte spĂ©cifique de patients jeunes volontaires cohorte COMAJ pour dĂ©finir les spĂ©cificitĂ©s des malades jeunes et de leurs besoins . Dossier standard Examen clinique, radiologique, biologique et de laboratoire VĂ©rification clinico-pathologique du diagnostic si la patient le souhaite Encouragement des Ă©tudes en sciences humaines et sociales et mĂ©dico-Ă©conomiques que pensent les malades de moins de 60 ans de leur situation ? quelles sont leurs aspirations ? comment leurs proches vivent ils ce bouleversement familial ? Information des patients et de leur famille sur les protocoles de recherche Ă©tudes cliniques et essais pharmacologiques Identifier les gĂšnes non encore connus responsables de rares formes familiales qui permettraient dâaider Ă chercher de nouvelles pistes thĂ©rapeutiques AmĂ©liorer les techniques dâimagerie cĂ©rĂ©brale pour favoriser un diagnostic trĂšs prĂ©coce et un meilleur suivi de lâefficacitĂ© des traitements Aider Ă sensibiliser les partenaires aux besoin spĂ©cifiques des malades jeunes DifficultĂ©s socio-professionnelles licenciement pour faute, inaptitude au poste, familiales et financiĂšres des patients jeunes Fournir des informations aux mĂ©decins du travail et mĂ©decins gĂ©nĂ©ralistes qui se trouvent en premiĂšres lignes pour aider au dĂ©pistage rapide Informer les assistantes sociales des particularitĂ©s des malades jeunes Identifier dans chaque rĂ©gion dans les centres mĂ©moire de ressources et de recherches, un rĂ©fĂ©rent assistant social pour les malades jeunes DifficultĂ©s et limites au maintien Ă domicile Troubles du comportement, violence, dangerositĂ©, possiblement aggravĂ©s par un problĂšme mĂ©dical passĂ© inaperçu ou un traitement inadaptĂ© ou raisons sociales isolement, problĂšme environnemental humain ou matĂ©riel, Ă©puisement de lâentourage, conflit ou perte dâautonomie en fin de vie Sensibiliser les unitĂ©s cognitivo- comportementales UCC Ă accueillir les malades jeunes en cas de crise DĂ©finir les besoins en matiĂšre dâhĂ©bergement au long cours pour les malades jeunes et dĂ©finir un rĂ©fĂ©rentiel des bonnes pratiques Identifier et indiquer les problĂšmes Identifier et promouvoir des solutions Proposer de nouvelles directives de santĂ© publique
Lors de lâĂ©vĂšnement de la Nuit du Grand Age et du Bien Vieillir qui sâest tenu 20 mai dernier au Casino de Paris, un Film documentaire Ă caractĂšre scientifique Et au boutâŠla VIE!» a Ă©tĂ© nominĂ© dans la catĂ©gorie âSantĂ© et avancĂ©e en Ageâ. Pour la premiĂšre fois est abordĂ© dans un film, le thĂšme de lâart-thĂ©rapie profession paramĂ©dicale et de ses bienfaits dans la prise en charge non mĂ©dicamenteuse des patients qui prĂ©sentent la maladie de type Alzheimer. Le film documentaire Et au boutâŠla VIE ! » met en avant les bienfaits de lâart-thĂ©rapie intervention paramĂ©dicale auprĂšs des personnes du grand Ăąge en maison de retraite qui prĂ©sentent la maladie de type Alzheimer. Le film a Ă©tĂ© tournĂ© pendant des interventions en ateliers dâart- thĂ©rapie avec lâaccord des personnes concernĂ©es et/ou avec lâaccord de leurs familles. Le message tout au long du film est celui dâune approche humaniste vis-Ă - vis de celui qui se trouve dĂ©muni face Ă la maladie de type Alzh eimer et peut encore vivre des moments sublimes jusquâau bout ! Une nouvelle approche de stimulation cognitive On estime que plus de 850 000 personnes sont atteintes de dĂ©mences type Alzheimer. concernant 6 % des personnes ĂągĂ©es de plus de 65 ans en France et dans le monde. Avec prĂšs de 200 000 nouveaux cas sont diagnostiquĂ©s chaque annĂ©e, le nombre de personnes atteintes de cette maladie devrait dĂ©passer un million et deux millions en 2040, et la frĂ©quence de la maladie ainsi que le vieillissement progressif de la population font de la maladie dâAlzheimer une vĂ©ritable Ă©pidĂ©mie dont le poids socio-Ă©conomique ne cesse de croĂźtre au cours des annĂ©es. Ce film montre les bienfaits dâune approche non mĂ©dicamenteuse qui est lâart-thĂ©rapie atelier de musique, atelier de peinture sur les maladies neurodĂ©gĂ©nĂ©ratives. On y dĂ©couvre le concept de plasticitĂ© neuronale qui nous apprend que, contrairement Ă la croyance populaire, nous continuons Ă dĂ©velopper des neurones et donc des capacitĂ©s cognitives tout au long de notre vie, mĂȘme dans le grand Ăąge. Lâhumain reste une entitĂ©, une personne Ă part entiĂšre malgrĂ© une maladie. Le film transmet un message Ă©mouvant, un message dâamour, un message de vie. Il dĂ©dramatise la maladie dâAlzheimer, vue et vĂ©cue aussi bien de lâintĂ©rieur dâune rĂ©sidence mĂ©dicalisĂ©e pour personnes ĂągĂ©es, de type EHPAD, mais aussi en dehors dâun cadre institutionnel, lors dâun vernissage oĂč les toiles rĂ©alisĂ©es pendant lâatelier sont exposĂ©es au grand public. Ainsi, leur talent est mis en lumiĂšre. Sâadressant aux maisons de retraite, hĂŽpitaux spĂ©cialisĂ©s en gĂ©rontologie, ou encore au monde associatif, il vise aussi tout public sensibilisĂ© Ă la maladie dâAlzheimer et dĂ©sireux de la dĂ©couvrir et de mieux la comprendre. Le film a Ă©tĂ© officiellement sĂ©lectionnĂ© en mars 2014 au Festival International du Film de la SantĂ© de LiĂšge Belgique et actuellement, il continu Ă ĂȘtre prĂ©sentĂ© dans le cadre dâautres festivals nationaux et internationaux du film documentaire scientifique et poĂ©tique ! Navigation des articles Bien traitance les bonnes pratiques
Lessoins palliatifs, câest bien plus que des soins. Les soins palliatifs, câest prendre soin de la qualitĂ© de vie des personnes gravement malades et de leur entourage, afin de leur permettre de profiter de la vie jusquâau bout, dans les meilleures conditions possibles, malgrĂ© la maladie.. Câest Ă la fois un accompagnement personnalisĂ©, qui respecte les besoins de chaque patient 1 La dĂ©mence » signifie, perte de sens, folie. Dâune maladie du grand Ăąge on bascule dans lâaliĂ©nation et le gĂątisme, on devient un fardeau humain, psychologique, social. Mais quand on se dĂ©centre pour redonner du sens Ă ce non-sens, celui qui crie sa fragilitĂ© et sa perte dâautonomie sâavĂšre encore avoir des choses Ă dire et qui mĂ©ritent bien dâĂȘtre entendues. LâĂ©thique ne viendra pas ici dâun discours thĂ©orique prĂ©alable mais Ă©mergera de la confrontation Ă des situations concrĂštes sur le terrain et proviendra des patients, des soignants eux-mĂȘmes. LâĂ©thique, nâest-ce pas donner du temps Ă lâautre, donner aux patients ou rĂ©sidents du temps pour encore ĂȘtre au monde ? LâENTRĂE DANS LA MALADIE ET EN INSTITUTION LE TEMPS ET LES MOTS POUR LE DIRE TOUT SAUF ALZHEIMER 2 LâidĂ©e que lâon se fait de la maladie dâAlzheimer est quâelle va modifier celui qui en est atteint, altĂ©rant sa mĂ©moire, sa pensĂ©e, distordant lâĂ©vidence des mots, la reconnaissance dâun visage, la comprĂ©hension des Ă©motions. Plus rien ne viendra plus faire sens, dans ses regards vides oĂč mĂȘme la douleur morale ne se lira plus. Le jeunisme actuel renvoie Alzheimer Ă une pathologie de vieux dĂ©ments ». AssociĂ©e Ă la vieillesse, elle lâest aussi Ă la dĂ©chĂ©ance, la mort de lâesprit avant la mort du corps, une mort dans la vie » Maisondieu, 2011350, une mort sans cadavre », plongeant les aidants dans un deuil blanc ». Le malade est souvent identifiĂ© Ă sa maladie dont les reprĂ©sentations sociales font si peur que la fille dâune de mes patientes disait fiĂšrement Ă une autre fille de parent atteint de cette maladie, Ă©plorĂ©e dans lasalle dâattente vous câest Alzheimer ? Ah non, moi câest pas Alzheimer, heureusement, câest une dĂ©mence sĂ©nile ». Le nom Alzheimer provoque davantage de peur quâun terme scientifique dĂ©crivant ses symptĂŽmes tout sauf Alzheimer ! TOUT SAUF LâINTERNEMENT EN INSTITUTION 3 Le dĂ©sir est lâeffort de rĂ©duction dâune tension issue dâun sentiment de manque. Or les personnes atteintes par la maladie ne dĂ©sirent rien dâautre que de rester chez elles, elles ne sont pas en manque dâEhpad Ătablissements dâhĂ©bergement pour personnes ĂągĂ©es dĂ©pendantes. Ces derniers ne font jamais rĂȘver les personnes quâon souhaiterait y placer ». Peut-on dĂ©sirer entrer en Ehpad ? Seules 5 % des personnes ĂągĂ©es le souhaitent le plus souvent pour rompre leur isolement affectif et social. Le dĂ©sir vient-il alors des proches ? Peut-on dĂ©sirer pour autrui une entrĂ©e en Ehpad ? Ce sera pour les familles la derniĂšre solution envisagĂ©e. Il y a dâabord un dĂ©sir pour le maintien » au domicile et puis aprĂšs peut-ĂȘtre un dĂ©sir pour un placement ». 4 Ces deux mots de maintien » et de placement » Ă©voquent les notions de contrainte, de contention, ou de chosification. On trouve une place Ă un objet, on place de lâargent, ou quand il sâagit de personnes on lâemploie quand on agit, du fait de leur vulnĂ©rabilitĂ© ou de leur incapacitĂ© juridique Ă tenir Ă leur place. On trouve une place en crĂšche pour un bĂ©bĂ©, Ă un chien dans un chenil, Ă lâEsat Ătablissement ou service dâaide par le travail [1] pour un handicapĂ©, en Ehpad pour une malade dâAlzheimer⊠5 Quâen est-il de cette contrainte ? Est-il facile, agrĂ©able dans une relation soignante et accompagnante de contraindre Ă des choix de lieu de vie qui touchent Ă lâintime ? Une contrainte est une rĂšgle obligatoire qui rĂ©duit la libertĂ© dâaction. Elle peut ĂȘtre exercĂ©e de façon physique ou morale, dâailleurs, le terme stress qui dĂ©signe en français dans le langage courant une tension nerveuse », une inquiĂ©tude » signifie contrainte » en anglais. 6 Mais la contrainte peut ĂȘtre aussi un moyen dâassurer la sĂ©curitĂ©, en empĂȘchant un mouvement dâun membre lĂ©sĂ© ou une personne dangereuse dâagir. Doit-on laisser un membre de sa famille rester chez soi, faute de mieux, par manque dâargent, devant un refus des aides ? Ou bien la famille, lâhĂŽpital peuvent-ils contraindre la personne Alzheimer qui, la plupart du temps ne se reconnaĂźt pas malade ou dĂ©pendante, Ă rentrer en institution ? 7 On le voit, toutes ces situations, dans le maintien au domicile ou le placement, sont faites de tensions. Rien nâest simple. Entre dĂ©sir et contrainte, entre fermetĂ© de la main qui maintient et main tendue vers lâautre par souci de le protĂ©ger. Quand on est dans lâimpasse je ne peux te maintenir chez toi, mais je ne peux me rĂ©soudre Ă te placer », la vigilance Ă©thique nous propose cet accompagnement, pour un possible consentir prĂ©alable, nĂ©cessaire Ă toute relation, du maintien au domicile jusquâĂ lâentrĂ©e en Ehpad. Va ici apparaĂźtre un balancement entre refus et acquiescement, clair-obscur du consentement qui peut Ă©merger parfois Ă la suite de ruse, dâomission ou de contrainte. 8 Quel prix payer en termes financier, psychologique, sociĂ©tal, par rapport Ă la santĂ© de lâaidant, de la famille pour maintenir chez elle une personne ĂągĂ©e atteinte de maladie dâAlzheimer Ă©voluĂ©e dont les troubles du comportement sont autant de risques pour elle-mĂȘme et pour les autres ? Les interrogations Ă©thiques sont lĂ©gions oĂč est le principe de justice et dâĂ©quitĂ© ? Est-il lĂ©gitime que sous la double contrainte de la T2A Tarification Ă lâactivitĂ© et de la DMS DurĂ©e moyenne de sĂ©jour des hĂŽpitaux on » place une personne sans dĂ©libĂ©ration au nom du risque zĂ©ro, de la bienfaisance, faute de mieux sans le nĂ©cessaire travail de maillage entre les diffĂ©rents intervenants au domicile, des aidants, de lâinstitution choisie [2] ? LE TEMPS DE LâANNONCE LES MOTS POUR LE DIRE DANSER UN PAS DE DEUX 9 La maladie et lâĂ©tat de vulnĂ©rabilitĂ© consĂ©cutif sont dĂ©jĂ une effraction en soi, souvent vĂ©cus comme une rupture dans le processus de vie dâune personne. Face Ă un individu dĂ©stabilisĂ© par la perte progressive de ses capacitĂ©s adaptatives, dâĂ©laboration, de mĂ©tabolisation, de symbolisation, comment informer sans forcer, sans traumatiser ? Lâinformation donnĂ©e sur le fait dâĂȘtre atteint de la maladie dâAlzheimer peut ĂȘtre dĂ©stabilisante et constituer une nouvelle effraction ; alors quâil sâagit dâinformer pour Ă©clairer la personne sur une situation quâelle traverse, souvent sans la comprendre et sans savoir comment y faire face. De la brĂšche Ă lâinvasion dĂ©bordante, lorsque la psychĂ© est poreuse, dĂ©sintĂ©grĂ©e, dĂ©liĂ©e, comment pouvons-nous faire pour dire sans blesser sans ajouter de la souffrance au malheur ? Il nous faut trouver les mots justes, utiliser des reprĂ©sentations comprĂ©hensibles mais chaque rencontre Ă lâautre est une affaire de singularitĂ©, il ne saurait y avoir de phrase type, de protocole, de mot clef. 10 Aux stades plus Ă©voluĂ©s, le patient ĂągĂ© Alzheimer nous oblige Ă entrer en contact physique avec lui par une position basse, il faut sâaccroupir, se mettre Ă hauteur de ses yeux, de son regard quâil faut capter, de son bras quâil faut toucher. Il faut des mots simples et les dire suffisamment fort. Il faut reformuler, rĂ©pĂ©ter, en sâappuyant sur un registre verbal et non verbal. Il faut revalider les rĂ©actions et les Ă©motions perçues, accepter le refus, diffĂ©rer et revenir, proposer une solution alternative, temporaire, de jour, de renforcement des aides, de retour au domicile, dâambivalence, de part de risques partagĂ©s, accepter de danser avec lui ce pas-de-deux. DES TEMPORALITĂS DIFFĂRENTES 11 Tout placement » en urgence sera mal vĂ©cu et vouĂ© Ă lâĂ©chec. La place est Ă lâanticipation dans un projet partagĂ© par tous les acteurs travaillant au maintien au domicile, les Ă©quipes soignantes et la famille. Il faut pouvoir procĂ©der Ă un travail dans le temps. Mais la temporalitĂ© nâest pas la mĂȘme pour les familles qui se projettent difficilement dans un univers redoutĂ© pour elles-mĂȘmes, vivant parfois un conflit de loyautĂ© jâai promis Ă maman de ne jamais la placer » ou un conflit dâintĂ©rĂȘt entre les enfants ceux qui peuvent payer et ne le veulent pas et ceux qui consacrent et sacrifient leur vie Ă un maintien au domicile impossible faute de pouvoir payer une maison de retraite Ă la hauteur de leurs capacitĂ©s financiĂšres. Et quâen est-il des patients hospitalisĂ©s au dĂ©cours dâune chute, dâune dĂ©compensation physique ou confusionnelle et qui stabilisĂ©s, sont en attente longue et angoissante de placement, faute de famille, faute de place, faute dâargent. Alors il faut attendre lâaide sociale, la mesure de protection. Ils sont en stand-by, en dĂ©shĂ©rence, en dĂ©sespĂ©rance et leur Ă©volution dĂ©mentielle flambe. AMBIVALENCE DEVANT LâINSTITUTIONNALISATION UN SANS CHOIX POUR UN CHEZ SOI ? 12 Comment faire pour accompagner, informer et annoncer que le retour au domicile ne sera plus possible et quâune entrĂ©e en maison de retraite est prĂ©vue. La personne ĂągĂ©e rĂ©pond au Bonjour madame, je viens vous annoncer que demain vous partez en maison de retraite » bon voyage ma fille et surtout nâoublie pas ta valise ! ». Comment dire et faire comprendre Ă une personne ce quâelle ne veut pas entendre ? Lisette, petite femme trĂšs ĂągĂ©e 98 ans et dĂ©mente MMSE 16/30, NSC 4/7 [3], fragile physiquement sortant de plusieurs opĂ©rations pour fractures et hernie, qui a tant bataillĂ© pendant des mois contre les aides Ă domicile, contre lâidĂ©e mĂȘme dâune institution. Alors que ses enfants lui prĂ©sentaient une Ă©ventuelle future chambre dans une Ă©niĂšme maison de retraite, elle dira oui, celle-lĂ je la reconnais câest la mienne, câest moi qui ai tirĂ© les rideaux ce matin ». Un consentement est ici enfin donnĂ©, Ă sa maniĂšre. Et câest cette maniĂšre que le professionnel doit savoir dĂ©crypter. 13 Certains sont en institution depuis longtemps et maintiennent un discours surprenant. Odette, 85 ans MMSE 10/30, en Ehpad depuis six ans me dit bien calĂ©e dans son fauteuil roulant moi je prĂ©fĂšre passer pour une idiote comme ça on mâoublie et jâirai jamais en maison de retraite ». Germaine est confortablement installĂ©e dans un magnifique Ehpad. Sa fille me confie que depuis quatre ans que sa mĂšre y est placĂ©e, tout son hĂ©ritage y passe mais elle me supplie de ne pas lui rĂ©vĂ©ler quâelle Ă©tait en maison de retraite. Germaine me dit Je suis ici de passage, dans une sorte dâhĂŽtel de luxe, ce nâest pas chez moi, je ne comprends pas ce que fait ma commode lĂ , ça doit ĂȘtre une fausse, une copie, heureusement le soir je suis vraiment chez moi et je retrouve la vraie commode ». Il peut donc y avoir mille maniĂšres de continuer Ă ne pas consentir par le discours Ă ce Ă quoi notre corps et un peu notre esprit ont pourtant consenti depuis longtemps. Lâambivalence est au cĆur de ces institutionnalisations. Câest pourquoi nous nâobtenons jamais un consentement libre et Ă©clairĂ© » dâemblĂ©e Ă lâentrĂ©e en institution. 14 Demeurer chez soi câest demeurer soi et lâentrĂ©e en institution nous fait perdre une partie de nous. TĂ©moin encore, Marcel, 78 ans, dĂ©ment sĂ©vĂšre, sa casquette vissĂ©e sur ses cheveux blancs, bien installĂ© devant sa tĂ©lĂ©vision muette, le saxophone Ă sa place dans son Ă©tui, muet lui aussi, vit bien tranquille dans sa maison⊠de retraite, depuis six ans. Il Ă©tait musicien dans un groupe connu et faisait salle comble tous les soirs⊠dans sa tĂȘte. Il avait une belle maison pas trĂšs loin de son Ehpad. Jamais il nâavait fuguĂ© » pour y retourner. Le temps sâest arrĂȘtĂ© Ă son entrĂ©e en maison de retraite. Mais aujourdâhui il faut vendre sa belle maison pour continuer Ă payer sa maison de retraite. Il sây oppose farouchement Pas question ! Câest ma maison jây suis, jây reste⊠». Mais de quelle maison parle-t-il ? Dans quelle maison vit-il ? Ă quoi demande-t-on de consentir en quittant son chez soi ? Ă quitter sa maison ? Pour entrer dans une maison de retraite ? Ă quitter son petit monde ? Ă quitter le monde ? LE TEMPS DES UNS - LE TEMPS DES AUTRES LE TEMPS DES VIEUX RĂSIDENTS 15 Avec le vieillissement le temps se dilate et avec la maladie dâAlzheimer il se contracte dans lâici et le maintenant. Celui de lâhĂŽpital est Ă la fois accĂ©lĂ©rĂ© et immobile dans la frĂ©nĂ©sie et la course des blouses blanches le matin et dans une attente infinie dâune visite qui ne viendra plus le soir. Plus on avance en Ăąge, plus la respiration du temps oscille entre lenteur, rĂ©pĂ©tition alors que lâespace vital se rĂ©duit de la maison devenue trop grande Ă la chambre dâhĂŽpital anonyme quâil faut partager et enfin Ă la tombe. Ce bercement du temps suspend le travail de la faucheuse et ce petit nid de vie protĂšge de tous les chagrins. Ce long mourir renvoie au temps qui dure. Mais tout cela est long par rapport Ă quoi ? Ă lâentrĂ©e en institution ? Au dĂ©but de la maladie ? Ă son Ăąge ? Une patiente de 102 ans me dit dans un soupir câest trop long de mourir surtout si Dieu vous oublie ». 16 Souvent la temporalitĂ© nâest pas la mĂȘme pour les patients qui se cramponnent jusquâĂ lâarrivĂ©e du fils tant attendu puis partent rĂ©conciliĂ©s avec la vie, ou pour ceux qui rendent leur dernier soupir alors que la famille Ă©puisĂ©e par des nuits dâattente sâĂ©tait rĂ©signĂ© Ă rentrer chez elle. LE TEMPS DONNĂ PAR LES SOIGNANTS 17 Dans notre hĂŽpital de prĂšs de 1000 lits, dont 80 % des patients souffrent de troubles dĂ©mentiels Ă des stades modĂ©rĂ©ment sĂ©vĂšres Ă sĂ©vĂšres et dont les troubles du comportement productifs vont imposer une entrĂ©e en institution qui nâa pas pu ĂȘtre Ă©laborĂ©e ni par les malades ni par les familles, la violence du temps contraint de lâhospitalisation, le dĂ©litement de la pensĂ©e des dĂ©ments, le dĂ©sarroi des familles se projettent souvent sur les soignants. Pourtant ils rĂ©sistent, ils sont lĂ , au quotidien, si forts et si fragiles, aux aguets de tout ce qui peut encore signifier des petits soins aux soins de bouche, du don de soi pour un don de soins, de la quĂȘte du sens Ă celle qui fait encore sens comme un rempart au non-sens. 18 La loi du 4 mars 2002 affirme une posture de soin Ă©galitaire alors que la maladie dâAlzheimer impose asymĂ©trie, dissymĂ©trie, position basse et humilitĂ©. Le soignant peut-il ĂȘtre soignant sans ĂȘtre un tant soit peu dans le don, dans ce qui nâest pas contractuel ? Toute la difficultĂ© dans notre sociĂ©tĂ© câest que le temps câest de lâargent ». Comment donner encore du temps, de soi, du soin par lâoubli de soi ? Le mĂ©canisme du don est traditionnellement attachĂ© Ă la sphĂšre privĂ©e, familiale, en opposition avec la sphĂšre Ă©conomique, oĂč devrait prĂ©dominer la relation rationnelle, contractuelle et marchande. Mais la sphĂšre publique implique elle aussi une forme de don au collectif, ce quâon appelle le service public ». Or, les soignants sont souvent Ă lâinterface de ces diffĂ©rentes sphĂšres, publique pour le service, Ă©conomique avec la T2A, technique, et privĂ©e dans tout ce qui est accompagnement, relation interpersonnelle avec les patients. Câest pourquoi leur pratique est marquĂ©e par une interpĂ©nĂ©tration des mĂ©canismes commerciaux et de ceux du don de soi », interpĂ©nĂ©tration souvent mal analysĂ©e par les protagonistes eux-mĂȘmes, et par-lĂ menant Ă une confusion relationnelle. Face Ă lâoubli dĂ©mentiel institutionnel qui sacrifie le prendre-soin » care au bĂ©nĂ©fice dâun faire-le-soin » cure, que proposer ? 19 En rĂ©action au rejet que subit la personne malade dâAlzheimer, la posture aimante » agapĂš Fiat & Geoffroy, 2009226 cherche Ă reconstruire, Ă ravauder des lambeaux dâidentitĂ©. Elle tĂ©moigne que lâabsence de guĂ©rison nâempĂȘche pas lâaccompagnement de la restauration dâun pouvoir-faire et, plus encore, dâun pouvoir-ĂȘtre. Ce nâest pas parce que le sujet malade dâAlzheimer est inguĂ©rissable que sa vie est dĂ©sormais vide dâespĂ©rance et, Ă la violence de la stigmatisation, elle engage une lutte pour que soit reconnue la permanence dâune identitĂ© personnelle du sujet malade. Les soignants dans cet ultime corps Ă corps, remarquables passeurs de vie sont lĂ , ne partent pas, restent, donnant du temps au temps, un mot, un regard, une parole, une main chaude. RENDRE POSSIBLE UNE DERNIĂRE OREILLE 20 Pour quâune parole puisse se dire, pour quâun regard puisse se saisir, pour quâune main puisse se caresser, il faut du temps. Ici, câest bien que le temps institutionnel soit long, au milieu dâune sociĂ©tĂ© oĂč lâon veut que tout aille vite. 21 En SLDSoins de longue durĂ©e rares sont les patients ayant des visites ». Ils sont souvent pauvres, sans famille, sans toit, sans ressources cognitives, physiques, psychiques. Ils sont tous dĂ©ments Ă un stade Ă©voluĂ©, tous dĂ©rangeants, tous refusĂ©s par les maisons de retraite sollicitĂ©es en amont. Pourtant dans ce dĂ©sert affectif luit encore une petite lumiĂšre, celle de lâaltĂ©ritĂ©, car chacune, chacun a droit Ă une fin de vie digne, qui nous prĂ©occupe, nous soignants, accompagnants de lâombre. Les plus exclus des exclus ont droit Ă une mise en biĂšre digne, Ă lâaccompagnement de la psychologue et des soignants, Ă des fleurs, Ă une pensĂ©e⊠Non ! Personne ne part sans une parole, une inscription dans un rituel humain, sans larmes ni tombe. Au chevet du mourant, il ne sâagit pas tant de faire quelque chose que dâĂȘtre lĂ , pas tant de dire que dâĂ©couter ouvrir unvide de bonne qualitĂ©, Ă lâintĂ©rieur duquel les paroles du mourant peuvent se dĂ©ployer ; une chambre dâĂ©cho Ă la meilleure acoustique possible, y compris pour que sa rĂ©volte, et son angoisse sâexpriment Fiat, 2011116-117. Câest le dernier secret qui peut ĂȘtre dit de la longue plainte des cris incessants sort une main qui mâaccroche et me dit câest foutu, je suis un salaud, jâavais deux foyers un vrai et un faux mais aussi des enfants, il faut le dire pour pas me tromper elles avaient le mĂȘme prĂ©nom, Chantal, je suis un salaud et mĂȘme pas de curĂ© pour me faire passer ». Dans la nuit RenĂ© a rejoint les Ă©toiles sans cri, mais en chuchotant dâune voix nouvelle, libĂ©rĂ©e de son secret. 22 Est-ce que je suis dĂ©jĂ mort » ? me dit ce patient fĂ©brile et Ă©garĂ© dans cette vie dĂ©litĂ©e que la maladie dâAlzheimer a sapĂ©e inlassablement depuis des annĂ©es, suspendue entre finitude, abandon, rejet, acceptation, accompagnement. Jusquâau bout il viendra dire son appartenance au monde des vivants par cette interrogation si pertinente. Comment en effet ne pas se sentir dĂ©jĂ mort dans un service de SLD oĂč rien ne ressemble Ă ce quâil avait pu imaginer mort sociale, mort cognitive, mort physique, ce corps si maigre et qui ne rĂ©pond plus, ces pensĂ©es qui piĂ©tinent dans un prĂ©sent quâil ressent comme hostile, des lambeaux de vie qui sâĂ©parpillent. Qui pourra redonner du sens Ă cette fin de vie qui nâen finit pas SLD, long mourir en institution, longs soupirs, longs cris, longues mains dĂ©charnĂ©es qui se tendent⊠à moi, Ă moi », dit un autre, jâai peur, jâai peur de la nuit pour toujours, donnez-moi la main, elle est chaude, oui de la chaleur dans ma main pour partir dans le froid de la nuit ». 23 Il faut aussi donner ce temps Ă des familles qui le souhaitent, laisser la place Ă lâinventivitĂ©, que la pesanteur institutionnelle laisse se vivre quelques moments de grĂące. Camille souffre dâAlzheimer depuis 15 ans. Elle est en phase terminale de sa maladie. Le silence et lâapathie, le regard vide et le visage Ă©maciĂ©, ont pris la place de la tyrannie des troubles psycho-comportementaux, des cris, des crachats. Elle est alitĂ©e depuis des semaines dans un long temps, dilatĂ© vers une mort trĂšs attendue par sa famille parce que aprĂšs tout ce quâelle nous a fait, il faut que ça cesse, faites quelque chose docteur pour accĂ©lĂ©rer, vous me comprenez⊠Câest insupportable de voir ça ». Camille nâa plus de nom, elle est rĂ©ifiĂ©e il faut que ça » finisse. Mais dans la magie de la vie, Camille a deux petites filles merveilleuses et inventives, tous les jours de sa lente agonie elles sont venues recueillir ses paroles et les enregistrer sur un air de musique du Petit bal perdu de Bourvil⊠alors tu te souviens de quoi mamie ?... » De la pluie, des fraises des bois, du Cantal, des cuisses des footballeurs, je ne me souviens mĂȘme pas de toi ma jolie ». Et la veille de sa mort Camille dit dans un Ă©clat de rire quâest-ce que je vais me regretter quand je ne serai plus là ». Ses petites-filles ont fait un trĂšs joli montage de ces derniers moments avec elle quâelles mâont confiĂ©, magnifique testament de vie et dâamour que la maladie dâAlzheimer nâa en rien altĂ©rĂ©. IL Y A ENCORE DU SENS 24 Le patient Alzheimer a besoin de lâautre pour le rĂ©inscrire dans son histoire. Mais pour cela, la communication avec lui ne saurait se faire dans une attention simplement bienveillante et flottante, dans une distanciation polie, ou comme nous lâentendons encore aujourdâhui dans la simple attente dâune demande ». La relation Ă©thique implique plus. POUVOIR ENCORE DIRE SA DOULEUR ET SA SOUFFRANCE 25 MalgrĂ© lâanosognosie des dĂ©mences qui nâest quâun des aspects de la conscience de soi, câest-Ă -dire conscience de ses perceptions, de son image corporelle, de son affect, de son identitĂ©, de ses capacitĂ©s dâintrospection, je suis frappĂ©e dâune communication possible et donc dâune rĂ©intĂ©gration dans le monde des humains de nos patients qui, mĂȘme privĂ©s de toute thĂ©orie de lâesprit [4] sont capables non pas dâempathie, qui sâapplique aux sentiments et aux Ă©motions, non pas de raisonnements, mais dâĂȘtre au monde pour peu quâon soit Ă leur Ă©coute. 26 La maladie dâAlzheimer, maladie de la mĂ©moire ne prend pas tout, tout de suite, Ă celui quâelle atteint. En sâappuyant sur la mĂ©moire Ă long terme, implicite ou procĂ©durale, pour retrouver un souvenir, on rĂ©-indice » et lâon peut faire naĂźtre de nouveaux modes dâĂȘtre au monde avec de rĂ©els moments de fulgurance du dire. TĂ©moin, cette veuve, qui a perdu en trĂšs peu de temps son mari, sa fille dâun cancer et son petit-fils dâun accident de moto. Parlant de lâensemble des rĂ©sidents Moi, je fais partie du pot au feu ! Vous voyez ici on est dans la mĂȘme marmite, il y a des poireaux, des carottes, moi je suis une pomme de terre, parce quâune pomme de terre ça souffre pas » me dit Jeanne avec des yeux plissĂ©s de malice mais dĂ©lavĂ©s par les malheurs je ne peux plus pleurer alors je pense » poursuit-elle. ET QUâEN EST-IL DES COUPLES ? 27 Tous les deux dĂ©ments sĂ©vĂšres, sans enfant. Elle part la premiĂšre, si fragile et digne dans son refus de le lui dire, et lui qui dit Ă la psychologue venue lui annoncer la terrible nouvelle non, vous mentez, une belle petite femme comme ça, ça peut pas mourir, je lâai vue hier, elle Ă©tait en pleine forme ». Et le matin de la levĂ©e du corps, il dit aprĂšs un long baiser sur le front jâai compris elle ne reviendra plus ». Il est restĂ© prostrĂ© dans le service de longs moments puis des larmes humaines, si humaines, silencieuses se sont misent Ă couler le long de ses joues ravagĂ©es par la maladie et les annĂ©es, lui qui encore la veille faisait si peur au personnel, terrifiant dans sa posture immense, criant, bousculant tout ce quâil trouvait sur son passage, lui que jâavais trouvĂ© errant dans le parc, rĂ©calcitrant, menaçant, en plein dĂ©lire ». 28 Voici encore ces jumelles ĂągĂ©es de 92 ans ayant toute leur vie vĂ©cu ensemble, sans mari, sans enfant, lâune pour lâautre. Lâune par lâautre. Lâune sâen va avant lâautre qui reste hospitalisĂ©e dans le service, agressive et errante, Ă la recherche de lâautre. On lui dit quâelle est partie oui mais elle va revenir ? » â Non elle est dĂ©cĂ©dĂ©e »⊠Ah bon elle va revenir alors » ? â Non, dâailleurs demain on vous accompagnera Ă la levĂ©e du corps », ce qui fut fait. Elle lâembrasse sans tristesse et dit Pourquoi elle ne lĂšve pas si câest la levĂ©e du corps ». Avec une infinie patience nous avons pu, malgrĂ© sa maladie dâAlzheimer, lâaccompagner dans le deuil de sa moitiĂ©. 29 Et cette autre enfin qui se donne des claques je suis bĂȘte, je suis crĂ©tine, je ne sais rien parce que je suis une idiote ». Elle se donne de petites claques, je finis par lâinterrompre puis je lui demande, pourquoi vous punir ? Parce que se souvenir câest trop de douleur, câest mieux pour mon mari, câest plus facile de placer une idiote ». 30 Et quand plus rien ne sort », nâoublions pas que lâabsence de parole nâest jamais dĂ©faut de signifiance. ElĂ©onore est couchĂ©e sur la table de la salle Ă manger-salon et dort la tĂȘte dans les bras, elle refuse de manger, refuse de parler, et les soignantes habituĂ©es la laissent tranquille » parce que sinon ça crache ». Elle nâest mĂȘme plus digne dâun regard, elle est au mieux vĂ©cue comme un animal dĂ©charnĂ©, sale et dangereux. Je lâappelle par son nom, me rapproche, lui touche le bras en mâaccroupissant. Et ses yeux dans les miens, jây lis un consentement Ă une rencontre et lui explique lâobjet de ma mission mâentretenir avec elle pour une tutelle. Pourtant la situation est compliquĂ©e Ă comprendre un tuteur ? Mais câest pour les tomates Ă la ferme ? Parce que moi je suis dans la volaille ! », me dit-elle soudain redressĂ©e et fiĂšre de son mĂ©tier. Elle poursuit remarquez ici aussi il y en a de la volaille, et regardez cette pintade » me dĂ©signant une autre pensionnaire ou celui-lĂ un poulet dĂ©plumĂ© ! »... Ah bon, ça » parle ? », me dit une soignante mĂ©dusĂ©e quâun ça » parle et devienne un sujet, un Je » sâexprimant, un ĂȘtre de logos. Ainsi cette patiente Ă laquelle je demandais lâheure me rĂ©pondit comment voulez-vous que je sache⊠câest en francs ou en euros ? », ou bien cet homme hagard le regard fiĂ©vreux mais digne qui veut se suicider et qui me dit mais moi je vaux 190 euros alors vous comprenez ici câest pas pour moi ». Ou cette autre lors de la pesĂ©e qui, regardant ses pieds sur la balance dit satisfaite tiens ! Il est dix heures dix ! », ou encore ce couple qui ne se connaĂźt pas, elle en fauteuil roulant, hĂ©lant tout le monde Ă la volĂ©e, lui trottinant en biais, chancelant ah te voilĂ enfin ! », lui dit-elle tu en as mis un temps pour aller chercher le journal ! ». Et lui de lui rĂ©pondre mais tu sais on ne sâest pas revu depuis la communion de la petite, ⊠câĂ©tait hier pourtant⊠». Cette conversation surrĂ©aliste a continuĂ© un bon moment, chacun essayant de recoller les morceaux dâune histoire en devenir. 31 On le voit, dans lâici et le maintenant, les patients malades dâAlzheimer sont encore, pour peu quâon leur accorde une prĂ©somption de compĂ©tence, capables de parler dâeux, de leur histoire, dâĂ©mettre des opinions et des choix, dâutiliser des ressources psychiques qui ne demandent quâĂ sourdre. Et quand on prend le temps, la rĂ©surgence de compĂ©tences prĂ©servĂ©es, dâun possible ĂȘtre au monde, peuvent Ă nouveau sâexprimer dans un sourire, un goĂ»ter pris ensemble, une chanson fredonnĂ©e, un dessin, permettant lâaccĂšs Ă des pĂ©pites de vie et Ă une volontĂ© de communiquer. 32 Ces malades nous ressemblent et font partie de lâhumanitĂ©, parce que la vulnĂ©rabilitĂ© de lâautre nous renvoie Ă notre propre vulnĂ©rabilitĂ©, Ă la potentialitĂ© que nous avons aussi dâĂȘtre diminuĂ©, fragilisĂ© et de mourir. Face Ă la maladie de lâoubli, lâinstitution souffre aussi et peuvent apparaĂźtre des attitudes dâinfantilisation, de distanciation, dâĂ©vitement, de nĂ©gligence. Mais au-delĂ des bouleversements de la construction identitaire du malade dâAlzheimer, des Ă©clats de vie persistent, des capacitĂ©s crĂ©atives langagiĂšres ou picturales nous interpellent. Leur identitĂ©-mĂȘmetĂ© » parle encore dâun sujet dans une permanence de Soi et capable de consentir ou dâassentir dans ses choix de lieu de vie. Cette rĂ©vĂ©lation redit son appartenance Ă lâhumanitĂ© qui ne dĂ©pend en rien de ses fonctions cognitives mĂȘme altĂ©rĂ©es mais qui est donnĂ©e par lâautre. Parfois derriĂšre la confusion, les silences des patients, se lit une derniĂšre histoire de vie. Il faut ĂȘtre lĂ , prendre le temps de les regarder comme des ĂȘtres humains qui savent ou sentent quâils vont mourir. 33 Signifier jusquâau bout le dĂ©ment a encore besoin de nous, car tout est signifiance, quand la parole nâest plus les silences, les pauses respiratoires, les regards, les mains qui sâaccrochent se tendent oĂč sâabandonnent, le visage, ce visage qui est une plainte, un commandement, un appel au prendre soin et sur lequel il est inscrit tu ne tueras point ». Les malades dâAlzheimer ont besoin de la mĂȘme prise en charge que toute personne en fin de vie. Jusquâau bout ils viennent nous dire leur appartenance Ă lâhumanitĂ©. Encore faut-il quâune autre humanitĂ© soit lĂ pour lâentendre. 34 ? Notes [1] Les Esat ont succĂ©dĂ© aux CAT Centres d'aide par le travail. [2] Le plus souvent par dĂ©faut, parce quâon ne peut pas payer et que lâaide sociale et la mesure de protection demandĂ©e vont prendre plusieurs mois dâattente. [3] MMSE Mini mental scale de Folstein en 30 points qui permet de quantifier le degrĂ© de sĂ©vĂ©ritĂ© de la dĂ©mence de lĂ©ger 30-26, Ă modĂ©rĂ© 26-20, Ă modĂ©rĂ©ment sĂ©vĂšre et sĂ©vĂšre <10. NSC Niveau socio-culturel quâil est nĂ©cessaire de corrĂ©ler aux dĂ©ficits cognitifs Ă©chelle de 0 Ă 7 selon Duizabo et Barbizet, 0 correspondant Ă illettrĂ© » et 7 Ă©tudes supĂ©rieures ». [4] La thĂ©orie de lâesprit » signifie la capacitĂ© Ă attribuer Ă autrui des intentions, Ă sâimaginer ce que pense sgcZE3.